par Geneviève Sellier
Depuis environ deux décennies, les séries sud-coréennes ou « dramas » ont trouvé un public dans le monde entier, essentiellement féminin et souvent populaire, grâce à leur capacité à traiter les sentiments en général et l’amour en particulier comme un processus de longue haleine, marqué par des échanges minuscules au sens dramatique, mais importants en termes psychologiques, par des regards et des paroles qui décrivent par le menu les interactions entre les personnages. Dépourvus de toute scène de sexe, ces dramas mettent l’accent sur les multiples interférences affectives qui compliquent la vie des personnages, très souvent féminins, soumis aux pressions familiales dans cette société encore très patriarcale, aux pressions d’un monde professionnel très hiérarchisé et totalement dominé par les hommes (toutes ces protagonistes travaillent, en général dans le secteur tertiaire). Souvent en couple informel avec un « petit ami » dont le comportement ne déroge pas au machisme ambiant, elles tombent amoureuses d’un « homme doux » lui aussi dominé, soit que son âge, son origine sociale, sa situation familiale ou son travail le rendent « imprésentables ».
Ces « dramas », rangés sous le terme anglophone de « romance », sont des séries closes comportant le plus souvent une seule saison de 12 ou 16 épisodes, qui suit les péripéties de l’apprentissage d’une relation amoureuse respectueuse de l’autre, dont la force subversive est d’autant plus grande qu’elle se place du point de vue du personnage féminin, c’est-à-dire le plus soumis à toutes les formes de domination.
La plupart de ces « romances » sont écrites par des femmes scénaristes et mettent en scène un monde très riche en personnages de milieux sociaux, de génération et de genre différents (les « hommes doux » sont incarnés par des jeunes acteurs d’une beauté émouvante).
L’extrême pudeur de ces dramas dans la représentation des rapports amoureux déplace l’attention des spectateur.ices sur les gestes les plus discrets de manifestation du sentiment amoureux. Toujours sous-titrés et non pas doublés, les dialogues permettent aussi d’apprécier la façon dont les affects modulent l’expression des voix. La plupart du temps très soignés dans l’utilisation des décors naturels et des costumes, et accompagnés de chansons mélodieuses, ces dramas proposent aux amateur.ices des plaisirs multiples tout en comportant une dénonciation vigoureuse de la domination patriarcale.