Tomber en amour en italie

L’Italie est souvent considérée comme le pays de l’amour et du romantisme, une image renforcée par les séries télévisées italiennes qui mettent en scène des histoires d’amour passionnantes et idéalisées. Ces récits romantiques sont souvent basés sur des clichés qui ont traversé les frontières et influencé notre perception de l’amour « à l’italienne ». Parmi ces clichés, on retrouve les longs regards entre amoureux, les voyages, le classique tour du couple sur le scooter, le paysage magnifique italien, et les moments merveilleux et très romantiques sur la plage et au coucher du soleil.

(Zoe Saldana et Eugenio Mastrandrea dans From Scratch S01, 2022)

Les moments merveilleux et très romantiques sur la plage et au coucher du soleil sont des scènes classiques des films d’amour. Ces instants magiques et intimes, où les amoureux se retrouvent face à la beauté de la nature, renforcent l’idée d’un amour idéalisé, presque hors du temps.

(Mattia Carrano et Caterina Forza dans Prisma S01, 2023)

Les clichés de l’amour à l’italienne dans les séries télévisées peuvent être séduisants et évocateurs, mais ces vidéos veulent soulever aussi une question essentielle : l’amour lui-même peut-il devenir un stéréotype? On a toujours cette idée de devoir forcément rejoindre cette idée d’amour parfait montré dans les séries et les films. Est-ce que cela ne nous donne pas plus de pression sur nos relations et les attentes qu’on a?

(Jennifer Coolidge et Jon Gries dans The White Lotus S02, 2023)


Les montagnes, les plages, les villages et les villes historiques offrent un cadre idyllique pour les romances, créant une atmosphère enchanteresse et rêveuse. Ces paysages idylliques, souvent associés au concept du locus amoenus, soulignent l’importance du décor dans la représentation de l’amour à l’italienne. Le classique tour de couple sur le scooter est un autre cliché emblématique des séries italiennes. Ce moyen de transport, souvent associé à la Dolce Vita, symbolise la liberté et l’insouciance, deux valeurs étroitement liées à l’amour. Les scènes de couples parcourant les rues pittoresques de l’Italie sur un scooter renforcent cette idée d’amour insouciant et spontané, évoquant la joie de vivre et le bonheur partagé.

Dans cette vision du locus amoenus, l’Italie est souvent représentée comme un paradis sur terre, un refuge où les personnages peuvent trouver du réconfort et se ressourcer face aux défis de la vie. Cette image idéalisée est également renforcée par la culture italienne, avec ses traditions et son héritage artistique et architectural. Les séries télévisées italiennes mettent en avant ces éléments culturels, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire à la représentation du locus amoenus.
Cependant, il est important de noter que cette représentation de l’Italie dans les séries télévisées est souvent plus belle que la réalité. Bien que l’Italie soit effectivement un pays magnifique avec des paysages à couper le souffle et une culture riche, la vie quotidienne des Italiens n’est pas toujours aussi idyllique que ce que l’on voit à l’écran.

Tomber en amour, clichés

Un essai vidéo de Greta Delpanno

Le coup de foudre en Italie

Un essai vidéo de Greta Delpanno

Tomber en amour dans un paysage « exotique » est un grand incontournable des histoires romantiques. Netflix nous propose deux séries où ça arrive en Italie: une production états-unienne, From Scratch, La forza di un amore (Netflix, 2022), et une italienne Summertime (Netflix, 2020 – 2022).
On parle de deux jeunes couples interraciaux qui tombent amoureux dans le romantique paysage d’été de l’Italie et qui partagent de forts moments d’esthétisation de leur romanticisme, mais avec une grande différence : les deux histoires se déroulent à presque 20 ans de distance, donc on est en train d’analyser deux couples de deux générations différentes dans des circonstances similaires.
Les styles de narration sont aussi différents: From Scratch raconte toute la vie du couple et est inspiré par une histoire vraie.
Comme dans un vieux film, avec Lino et Amy, le couple de From Scratch, on assiste à un amour de fable, avec tous les clichés d’une bonne romance, probablement sous l’influence aussi de réalisatrices étasuniennes qui donnent un ton plus exotique et « fiabesque » à la représentation de l’Italie.
Au contraire, Summertime montre deux jeunes contemporains pendant leurs expériences estivales. Summer et Ale doivent encore décider de leur futur. Les protagonistes se comportent de manière impulsive, toujours en train de se disputer dans un monde qui est loin de la perfection.
Dans les deux cas, les amours, apparemment parfaites, représentées dans les deux séries, sont destinées à faire face à une réalité fort différente.
Malgré leurs différences, les deux séries se ressemblent à plusieurs égards.
Lors des premières rencontres entre chaque couple, en se heurtant par hasard, les protagonistes des ces séries croisent leurs regards et on a le coup de foudre.
Les étapes de tomber en amour sont dépeintes avec les clichés classiques des histoires d’amour : des promenades romantiques et balades à travers le magnifique paysage italien sur le célèbre mais trop prévisible scooter, jusqu’aux premiers conflits.
Il y a une forte esthétisation du paysage et de la culture italienne, qui pour Amy et Lino se traduit par de l’art et des recettes culinaires élaborées, tandis que dans Summertime elle déborde sur la mer cristalline et les grandes plages propres, comme il est difficile d’en trouver sur la Riviera romagnole. Le paysage italien devient davantage une toile de fond paradisiaque pour des scènes de passion intense, plutôt que réaliste et objective. En effet, si les dialogues ont tendance à être un peu faibles, les scènes consacrées à l’amour, à la sensualité et à la sexualité sont nombreuses. Ici aussi, l’amour est hautement esthétisé, avec des corps parfaits et des mouvements sinueux, une musique évocatrice et de gros plans très éloquents. On constate ici que les éléments communs aux deux séries reviennent : gros plans avec des expressions douces, corps enlacés, mains qui se croisent. Ce qui nous est suggéré est un amour utopique, passionné et beau, mais très éloigné de la réalité. En effet, alors que les deux séries suggèrent une réalité bien différente de celle du public, elles nous rassurent en nous rappelant que toute cette passion est éphémère et qu’on est loin d’une fin heureuse pour les deux couples.


Tomber en amour, Locus amoenus

Un essai vidéo de Greta Delpanno

Cette représentation idéalisée trouve ses racines dans le concept du locus amoenus, un terme latin qui signifie littéralement « lieu agréable » ou « lieu idyllique ». Dans la littérature, le locus amoenus fait référence à un endroit parfaitement beau, serein et accueillant, où l’on se sent en sécurité et chez soi, comme un jardin ou un espace naturel.
Les séries télévisées italiennes exploitent souvent ce concept en présentant des paysages enchanteurs où l’amour romantique et le coup de foudre sont au centre des intrigues. Les plages chaudes, les villages pittoresques et les villes médiévales deviennent ainsi des décors idéaux pour les histoires d’amour, où les protagonistes se sentent attirés l’un vers l’autre dans ces cadres idylliques. Cette représentation idéalisée de l’Italie et de ses paysages crée une atmosphère de rêve, où les émotions et les relations sont magnifiées.

Les séries télévisées ont tendance à embellir la réalité, créant ainsi une image fantasmée de l’Italie qui peut être déconnectée des difficultés territoriales de ce paysage et des défis auxquels les habitants sont confrontés au quotidien.
En conclusion, le locus amoenus est un concept littéraire profondément ancré dans la représentation de l’Italie dans les séries télévisées. Ce concept transforme les paysages italiens en décors idylliques pour les histoires d’amour et les intrigues romantiques, tout en créant une image idéalisée de l’Italie qui peut être déconnectée de la réalité. Malgré cette déconnexion, le locus amoenus continue de fasciner les téléspectateurs et d’attirer leur attention sur la beauté et la richesse culturelle de l’Italie.

Prisma as the missing piece in the Italian TV scene

Un essai vidéo de Greta Delpanno

Ce vidéo-essai concentre son analyse sur la série télévisée italienne Prisma (Prime Video 2022- ) et sa place dans le paysage télévisuel italien. Ce n’est pas un choix arbitraire, car Prisma a été décrite comme la pièce manquante dans la scène télévisée italienne. La série aborde les enjeux de la queerness, montrant comment les jeunes se questionnent sans aucun jugement. Ce produit peut être considéré comme une incitation, de la part de son créateur, Ludovico Bessegato, et de Prime Vidéo lui-même, à une représentation plus complète de la queerness. Il est bien connu que les plateformes OTT sont prêtes à investir dans des contenus considérés comme « progressistes ».
Prisma raconte l’histoire de deux frères jumeaux qui explorent leur relation avec leurs pairs, leur premier amour, leur sexualité et leur identité de genre. L’un d’eux, Andrea, se sent en décalage avec le monde binaire qui l’entoure et ne parvient pas à trouver sa place. Tandis que Marco est montré comme un garçon timide.
Grâce à Nina, l’amoureuse de son ex-petite amie, il découvre un moyen de partager sa queerness, une manière faite de longs regards et de silences qui ne nécessitent pas beaucoup de mots. Il peut être plus vulnérable avec elle et explorer son côté féminin. On pourrait dire que le combat d’Andrea consiste à trouver un équilibre entre son désir d’embrasser son identité féminine et son rôle de figure protectrice et masculine pour son frère.
Cette relation devient également un moyen pour eux deux d’explorer leur sexualité, sans questions ni jugements.
D’un côté, on peut voir le sexe hétéronormatif entre Marco et Carola, et de l’autre la représentation queer d’une scène très similaire. Les images peuvent se ressembler, mais le sens est complètement différent : nous sommes confrontés à quelque chose de nouveau, surtout pour le spectateur moyen.
Certaines caractéristiques observées dans d’autres séries italiennes sur les clichés de l’amour en Italie reviennent, en particulier dans le cas de Marco et Carola : le voyage en scooter à travers les magnifiques paysages, la mer, la passion.
Ainsi, bien qu’offrant un point de vue novateur, Prisma présente toujours la ville de Latina, où se déroule l’histoire, sous un jour plus flatteur que la réalité. On voit nos protagonistes se déplacer à vélo dans une longue rue près d’une mer bleue qui, en réalité, n’existe pas. Alors qu’il y a une contextualisation de l’environnement et de la relation de la ville avec son passé fasciste.